Le saumon, révélateur d’une société qui veut tout, tout le temps, tout de suite ?

Le saumon, révélateur d’une société qui veut tout, tout le temps, tout de suite ?

Sans télé depuis 5 ans, je vis très (très) bien, mais parfois je loupe un programme intéressant ou deux sur France 5 ou arte.

Thank God, le replay existe et j’ai ainsi pu découvrir l’émission « Sur le front », portée par Hugo Clément.

Fervent défenseur de la cause animale et de l’environnement, ce dernier nous offre donc des enquêtes de choix sur des problématiques écologiques : la fast fashion et ses ravages environnementaux, la fonte des glaciers, et récemment, la face cachée du saumon.

Le saumon, autrefois mets d’exception réservé aux grandes occasions telles les fêtes de fin d’année, se retrouve depuis des décennies sur les étals des poissonniers et dans le rayon « mer » des grandes surfaces, et ce toute l’année durant.

Démocratiser le luxe en le rendant abordable

Ce qui interpelle plus largement, dans la triste situation du saumon comme dans d’autres, c’est la démocratisation qui induit une augmentation de la production/ou de la pêche de l’espèce sauvage.

L’intention est certes louable, dans ce principe d’homogénéisation de la société et le gommage des classes, mais à quel prix ?

Dans l’idée, permettre à tout un chacun de se délecter de saumon fumé, d’accord.

Mais lorsque ça implique de produire plus et à moindre coût, quand on parle de bouffe, c’est souvent loin d’être une bonne idée.

Dans ce « Sur le front : la vérité sur le saumon », on découvre que le saumon sauvage est en passe de devenir une espèce protégée, au même titre que le thon rouge.

Les alevins (bébés saumons) nés dans le Sud Ouest de la France se motivent pour parcourir quelques menus kilomètres jusqu’au Groenland, puis une fois grands, reviennent dans la rivière/l’océan de leur enfance. Avouez que ça force le respect parce qu’un bébé humain qui se cognerait un Dunkerque-Ankara, c’est pas demain la veille, hein ; ma fille de deux ans est déjà exténuée à l’idée de marcher jusqu’à la voiture…

Image : Larousse

Produire plus, à moindre coût… au détriment de la qualité

La France importerait majoritairement son saumon d’Ecosse, troisième pays producteur mondial de saumon d’élevage ; le pays a vu les fermes aquatiques se multiplier, majoritairement implantées dans les lochs, pour atteindre 225 en 2019 (d’après les chiffres du documentaire).

Or, les conditions d’élevage laissent franchement à désirer, tant pour l’aspect de la protection animale que par souci pour le consommateur final.

Les poux de mer prolifèrent dans les lochs écossais, vraisemblablement à cause de la promiscuité entretenue dans ces parcs d’élevage : les saumons, entassés à des dizaines de milliers dans des bassins exigus, sont la proie de ces parasites qui les ravagent et les déciment.

Ils sont ensuite traités aux antibiotiques afin de guérir ; des images filmées en caméra amateur en attestent, et c’est franchement désagréable à regarder tant l’animal est abîmé et souffre manifestement…

Quant à la belle couleur rose saumonée qu’arborent ces poissons à l’état sauvage grâce à leur consommation de crustacés avec leurs carapaces, elle est – dans le cas des saumons d’élevage – immanquablement induite par l’ajout de colorants aux croquettes avec lesquelles sont nourris ces derniers qui, sans cela, présenteraient une chair vraisemblablement grisâtre.

Hugo Clément rencontre ainsi Don Staniford, fervent défenseur du saumon depuis une vingtaine d’années, arborant kayak et cheveux longs, qui lui confèrent de faux airs de Robinson Crusoé des temps modernes.

Celui-ci nous présente ainsi un joli nuancier « saumon », avec une palette de roses plus ou moins soutenus. Le fameux « Label Rouge » préconiserait également une certaine teinte pour l’obtention de son précieux sésame.

Passons également sur la torture que doit représenter l’enfermement, pour ce poisson sauvage capable de parcourir des milliers de kilomètres et de remonter les courants afin de se reproduire…

La pêche minotière, corollaire de l’élevage intensif des saumons

L’élevage implique de nourrir des poissons carnivores ; il faut par conséquent lui mâcher le travail et pêcher quantité de petits poissons dont le saumon se serait nourri à l’état sauvage.

Se développe alors un véritable business de la sardinelle qui, largement pêchée sur les côtes du Sénégal, est massivement utilisée pour la confection de farines animales destinées à nourrir les saumons d’élevage. Ce procédé porte un nom : la pêche minotière.

Et elle impacte directement les populations sénégalaises qui vivaient de la pêche puis du fumage de ces petits poissons. Résultat : des étals vides au marché de poisson et des sénégalais.es désoeuvré.es et affamé.es.

Dans le monde, 1 poisson sur 5 n’est pas consommé par l’homme mais destiné à alimenter les fermes d’élevage.

De quoi se poser de sérieuses questions sur la légitimité de manger régulièrement du saumon sous toutes ses formes ; et si, ENFIN, à l’instar de beaucoup de sujets, nous consommions moins, mais mieux ?



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