L’alimentation a-t-elle un genre ?

L’alimentation a-t-elle un genre ?

La question m’a sauté aux yeux lors d’un déjeuner en tête-à-tête avec mon bouquin du moment, “Je réussis ma détox sucre” de l’instagrameuse @0sucre_et_igbas, Bérengère Philippon de son vrai nom.
Une vraie pépite, au passage, cet ouvrage !

Je déjeunais alors d’une assiette composée d’aliments healthy, majoritairement des crudités et des légumineuses complètes et bio, quand la révélation s’est faite : qui s’intéresse à l’alimentation santé ? Est-ce-que les hommes achètent aussi ce genre d’ouvrage ? Le potassent-ils en déjeunant ? L’assiette aurait-elle un genre ?

NB : j’ai posé les prémices de cet article fin février, avant que mars n’arrive et avec lui un énième confinement avec enfants, reléguant au placard mes productions écrites… C’est avec plaisir que j’ai vu depuis fleurir les podcasts et articles sur le sujet, grâce la parution du dernier ouvrage de Nora Bouazzouni, Steaksisme !

Quand on parle de féminisme et d’alimentation, on pense forcément aux cheffes qui trustent le podium de la haute gastronomie : Anne-Sophie Pic, Hélène Darroze, Stéphanie LeQuellec, la liste des femmes qui ont su s’imposer dans ce milieu fermé continue à s’agrandir, et on ne peut que s’en féliciter.

Exception faite de ces cheffes de talent, notons toutefois la subtile distinction dans l’imaginaire collectif : quand les femmes cuisinent pour leurs foyers, la haute gastronomie reste l’apanage des hommes.

En outre, certains sujets autour de l’alimentation semblent définitivement genrés : la raw food, la tendance healthy, les alternatives végétales, les prises de conscience sur l’élevage industriel…
Autant de tendances qui semblent trouver un écho particulier chez une population majoritairement féminine.

A l’instar de la transition écologique qui semble s’amorcer dans les foyers sous l’impulsion féminine, l’alimentation a-t-elle un genre ?

Ce sujet s’inscrit dans un questionnement global sur l’égalité des sexes au sein de notre société et son lot de clichés : les femmes mangeraient léger, plutôt des légumes et viandes maigres, alors que les hommes seraient des viandards invétérés depuis la nuit des temps.

Nos codes alimentaires sont-ils vraiment différents ? Et si oui, pourquoi ?

Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus… Vraiment ?

C’est indéniable, nous sommes physiologiquement différents.

Taille moyenne, stature, force physique, hormones, génome, les différences biologiques entre les deux sexes sont nombreuses.

La légende urbaine prête volontiers à l’homme de Cro-Magnon l’exclusivité de la chasse au mammouth, pendant que la femme balayait tranquillement la caverne.

Mais contrairement aux idées reçues qui font remonter aux origines préhistoriques le clivage du genre et de l’assiette, des recherches anthropologiques ont mis en lumière les véritables rôles de chacun dans ces anciennes sociétés.

La préhistorienne au CNRS Marylène Patou-Mathis l’évoque dans son interview sur France Culture et dans son ouvrage L’homme préhistorique est aussi une femme : la femme avait un rôle véritable à jouer, chassant, taillant les outils, peignant…

Dès lors, on peut imaginer que la femme serait aussi branchée viande que l’homme, et celui-ci aussi adepte de légumes.

Mais alors, qu’y a-t-il dans l’assiette d’un homme ? Et dans celle d’une femme ?

Les différences alimentaires sont-elles fixées dans le génome dès la naissance, ou sont-elles le fruit du contexte socio-culturel et éducationnel dans lequel grandissent filles et garçons ?

« A travers le choix de ses aliments, l’homme choisit le type d’homme qu’il désire être ».

Jean Trémolières

Les normes de beauté et de séduction semblent donner le « la » en matière d’assiette : la société occidentale aime les femmes minces et toniques, un peu fragiles mais pas trop, et les hommes musclés, virils.

Dès lors, le contenu de l’alimentation varie.

La gent féminine privilégiera des aliments légers, digestes (manquerait plus que la femme pète !), citons pèle-mêle les légumes, salades et viandes maigres, les graines… tandis que la gent masculine s’orientera vers de la nourriture protéinée pour développer et entretenir sa force physique et sa musculature : viande rouge et pièces plus « animales », gras, frites, plats en sauce, vin rouge, bière…

Les femmes optent plus souvent pour des choix moins « animaux » et bestiaux, ce qui nous amène à l’interrogation suivante : est-il possible que le cerveau émotionnel soit plus développé chez la femme alors que le cerveau reptilien primerait chez l’homme ?

En bref, mange-t-on (ou non) ses émotions ?

Et lorsque l’on sort de ce clivage alimentaire, les remarques se font légion :

« Tu manges beaucoup pour une fille, tu bois beaucoup pour une fille », sans oublier les réflexions et autres injonctions à la minceur.

Nora Bouazzouni évoque notamment une remarque bien connue, souvent lancée aux filles/femmes : “Deux minutes dans la bouche, deux ans sur les hanches !”

Mais dit-on seulement ce genre de choses aux garçons/aux hommes ?

A l’instar de l’inégalité sociétale qui oppose hommes et femmes, la différence de traitement entre les deux sexes se poursuit donc jusque dans l’assiette.
Charge à tout un chacun de garder l’esprit ouvert et de se défaire de ces idées reçues ancestrales et complètement dépassées : hommes, mangez des açai bowls et femmes, sus aux frites ! 😉



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